En juin 2024, Rémi Boyer, Group Chief Human Resources Officer Clariane Group & CEO Germany, s’est vu décerner le Trophée du DRH de l’année 2024 par des acteurs majeurs de l’industrie : Cadremploi, Le Figaro Emploi, Morgan Phillips et Fyte.

D’après Samuel Tamagnaud, Deputy CEO chez Morgan Philips, Rémi Boyer a été récompensé entre autres pour « son humanisme assumé et sa sensibilité personnelle aux enjeux du grand âge ». Défenseur d’une vision RH portée vers le développement de la profession et la valorisation du « H » comme humain, il inspire la communauté RH, suscitant une fierté qui dépasse la fonction elle-même. Rémi Boyer, a accepté de répondre à nos questions, et de nous partager son parcours, ses réflexions et son point de vue en tant que DRH de l'année.

Pouvez-vous nous décrire brièvement votre parcours jusqu'à votre poste actuel de Directeur des Ressources Humaines ?

Avec plaisir ! J’ai commencé ma carrière comme enseignant d’histoire à l’Université de Paris Sorbonne avant de rejoindre le cabinet du Ministre de l’Education Nationale, à l’époque François Bayrou. Puis je suis rentré dans l’industrie sidérurgique, Usinor à l’époque, devenue Arcelor puis ArcelorMittal après la fusion avec Mittal Steel. J’y ai exercé plusieurs fonctions, de secrétariat général puis de ressources humaines dans des environnements très internationaux. J’ai ensuite rejoint le groupe PSA Peugeot Citroën, en 2010, en charge du développement RH, puis comme DRH de l’ingénierie du Groupe et enfin comme directeur des talents et du top management, sous Carlos Tavares. C’est en 2016 que j’ai rejoint le groupe Korian comme DRH du Groupe, devenu Clariane et société à mission en 2023. Depuis Octobre 2023, j’ai également pris les commandes de notre filiale allemande, Korian Allemagne, et tout récemment j’ai été nommé Directeur général adjoint du Groupe.

Quelle est, selon vous, la réalisation la plus significative dans votre carrière de DRH ?

C’est difficile de choisir car j’ai connu des environnements très différents entre l’industrie et maintenant le service, chaque secteur ayant des enjeux forts de transformation RH. Mais je crois que le fil rouge de tout cela c’est ma capacité à détecter, développer puis nommer des talents prometteurs, notamment des femmes, sur des postes à responsabilité et surtout de garder la cohérence du corps dirigeant au travers des nombreuses crises que j’ai traversées dans mes différentes entreprises.

Comment définiriez-vous votre approche ou philosophie en matière de gestion des ressources humaines ?

Il me semble qu’une des principales qualités du DRH doit d’abord être de s’intéresser aux autres, à l’autre, et d’avoir une grosse capacité d’écoute et de compréhension de l’humain, dans toute sa complexité. Ce qu’on me reconnait souvent c’est cette capacité de comprendre et d’interpréter les signaux faibles et forts qui s’expriment chez chaque talent, pour ensuite transformer ces capacités en énergie utile pour l’entreprise. Comme disent bien les anglo-saxons : the right man for the right job at the right time….

Comment voyez-vous l'avenir du travail et le rôle des RH dans cet avenir ?

Quels que soient les développement de l’intelligence dite artificielle ou de la digitalisation et de l’automatisation des processus, l’intervention humaine demeurera toujours centrale et les entreprises devront continuer à s’adapter à un environnement économique, social et géopolitique changeant en permanence ; de ce point de vue, il faut que nos entreprises soient beaucoup plus agiles, adaptatives, et les RH doivent travailler sur cette culture d’entreprise qui promeut la réactivité, la remise en cause, l’adaptativité, l’agilité et l’innovation. Je ne crois pas une seconde à la « disparition de l’humain » comme titrait récemment un auteur américain. Bien au contraire, les années qui viennent vont nous montrer à quel point la différence entre les organisations et les entreprises se fera par et avec l’humain… Donc pas de problèmes pour l’avenir du métier de DRH !

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui aspirent à devenir Directeur des Ressources Humaines ?

S’intéresser aux évolutions de la société, comprendre les tendances profondes, les anticiper, être ce « pont » entre l’entreprise et la société, en s’appuyant pour cela sur l’expression des salariés, de leurs représentants et de toutes les parties prenantes qui ont quelque chose à dire sur l’entreprise. Une entreprise figée qui vit sur des modèles fixes ou sur ses certitudes est condamnée d’avance. Il est impératif que les RH soient ce lien social avec l’extérieur et aient une capacité d’écoute très forte pour capter les tendances internes et externes qui permettent à l’entreprise d’innover et d’être réactive. Il y a quelques années, on parlait « d’entreprise étendue » et je trouve que c’est de plus en plus le cas, car l’entreprise, par sa mission, exerce un rôle de plus en plus fort dans la société. Dans des environnements politiques et sociaux incertains, l’entreprise représente curieusement une référence et une certaine forme de stabilité… C’est en tout cas ce que montrent les sondages fréquents réalisés sur ce sujet.

Si vous pouviez décrire votre style de leadership en trois mots, lesquels choisiriez-vous et pourquoi ?

J’ai toujours essayé de m’entourer de gens intelligents, autonomes et animés par des valeurs fortes… C’est tellement plus agréable et surtout plus efficace ! Dans cette configuration, exercer son leadership est un plaisir car il consiste à inspirer, guider, ajuster et mettre en musique des talents qui ne demandent qu’à s’exprimer ! Dans une autre vie, j’aurais aimé être chef d’orchestre, car c’est exactement l’image que je me fais du leadership : faire jouer ensemble des talents de haut niveau, tous de grands professionnels, tout en recherchant la parfaite harmonie pour le plaisir des spectateurs…. Par analogie, c’est un peu le leadership que j’essaie d’exercer en entreprise…

Y a-t-il un livre, un film ou une citation qui a influencé votre approche de la gestion des ressources humaines ?

Allez, un peu de dérision, j’avais beaucoup ri en regardant le film de George Clooney qui s’appelle « Into the air » qui raconte la vie d’un DRH sur le retour dont le seul objectif était de dépasser le million de miles en avion pour obtenir la carte platine, en faisant le tour des usines de son entreprise pour faire des plans sociaux partout….jusqu’au jour où il est détrôné par une jeune RH digitalisée qui fait tous ses entretiens par vidéoconférence… C’est drôle et grinçant, ça permet d’avoir du recul sur son métier de RH !!! Mais sinon plus sérieusement, je pense qu’on peut difficilement faire ce métier de DRH sans avoir un vrai respect pour l’humain et comprendre les dynamiques qui animent l’être humain au travail comme ailleurs. De ce point de vue, un des livres qui m’a le plus marqué ces dernières années en matière de RH est le livre de Barry Oshry « seeing systems » qui analyse avec beaucoup de pertinence les relations entre le « top », le « bottom » et le « down » de toute organisation… Je vous le recommande !

Comment parvenez-vous à équilibrer votre vie personnelle et votre vie professionnelle en tant que DRH d'une grande entreprise ?

Je travaille beaucoup pendant la semaine, et un peu pendant le week-end surtout pour préparer ma semaine et avoir les coups d’avance nécessaires pour ne pas être débordé pendant la semaine et être concentré sur mes réunions et mes livrables. Mais il est indispensable de souffler et j’aime me ressourcer auprès de ma famille, j’aime beaucoup marcher en forêt avec mon chien, j’aime faire des courses avec ma femme, et écouter ou jouer de la musique. J'aime aussi beaucoup les bons restaurants...

Si vous deviez vous lancer dans un tout autre métier, lequel choisiriez-vous et pourquoi ?

Je vous disais que j’aurais adoré être chef d’orchestre, mais j’aurais bien aimé être chef cuisinier car j’adore cuisiner, mais pourquoi pas paysagiste, car jardiner est mon passe-temps favori lorsque je suis en vacances…

Si vous pouviez inviter quatre personnes, vivantes ou décédées, à un dîner, qui seraient-elles et pourquoi ?

J’inviterais certainement l’ancien ministre et Président de Saint-Gobain, Roger Fauroux, décédé, avec qui j’ai travaillé et qui m’a beaucoup inspiré, mais aussi mon patron chez Arcelor, Guy Dollé, un industriel visionnaire comme on n’en fait plus, puis j’inviterais certainement mon ancien boss chez PSA, Gilles Le Borgne, devenu un ami, cumulant une très grande humanité et une compétence automobile unique, et aussi Sophie Boissard, ma patronne, et je suis absolument certain que les échanges pendant ce dîner nous emmèneraient très loin dans la soirée pour refaire le monde dans tous les sens !

Si vous aviez la possibilité de changer une chose dans le monde du travail, quelle serait-elle et pourquoi ?

J’aimerais qu’il y ait beaucoup plus de diversité dans nos entreprises, en tout cas à leur tête, car nous sommes tous, cadres dirigeants, plus ou moins issus des mêmes milieux, des mêmes grandes écoles, et depuis que je travaille, c’est-à-dire depuis bientôt 35 ans, je n’ai guère vu d’évolutions sur ce sujet…

Les équipes Morgan Philips et Fyte tenaient à remercier chaleureusement Rémi Boyer, d’avoir accepté cette interview.

Créé et organisé par Cadremploi, Le Figaro Emploi, Morgan Philips et Fyte, le Trophée du DRH de l'année a pour but de valoriser la profession, mettant en lumière une personnalité, un parcours, des valeurs, véhiculés par un homme ou une femme. Si vous souhaitez en savoir plus sur le Trophée du DRH de l’année ? Rendez-vous sur le site : https://www.drhdelannee.fr/.